« Vous êtes des fainéants ! On ne peut pas compter sur les jeunes de ta génération. Vous vous plaignez tout le temps pour pas grand-chose. Vous êtes des fragiles et vous avez bien appris à profiter du système ! »
Je ne sais pas vous mais personnellement, j’en ai plus qu’assez d’entendre ce genre de discours de la part de mes aînés que ce soit au travail, dans ma famille comme ailleurs.
Raison pour laquelle, je vais remettre l’église au milieu du village car ces attaques gratuites sont la somme de raisonnements simplistes et autocentrés de baby-boomers (1946-1964). Qui voudraient nous faire croire que le monde qu’ils nous ont laissé est un arbre d’opportunités dont nous n’avons qu’à saisir les fruits mûrs. Alors que la réalité, est toute autre.
La génération de mes parents et de leurs parents, a évolué dans une société où le marché du travail leur permettait aisément de rester de nombreuses années si ce n’est des décennies auprès du même employeur. Pour dire, j’en connais même qui ont fait plus longtemps avec leur job qu’avec leurs femmes.
Et ils étaient régulièrement récompensés, pour leurs bons et loyaux services certes. Mais c’est sans compter sur les abus qu’ils devaient pour la majorité d’entre eux passés sous silence. On ne va pas se mentir, entre les humiliations publiques en réunions parce que les objectifs trimestriels n’ont pas été atteint, les commentaires graveleux sur le décolleté de Suzanne de la compta, la culture de la picole post bureau, se faire tarter à l’usine parce qu’on n’a pas fait assez vite, les humiliations constantes de Thomas du service IT parce que c’est une « pédale » …
Autant dire, on est loin de la sinécure… Et pourtant pour toutes les avancées sociales qui nous permettent pour l’heure d’évoluer dans des environnements de travail plus au moins OK. Le fait que c’est cette même génération qui pour un grand nombre occupe des postes stratégiques et/ou à responsabilité, notamment dans le management, qui m’inquiète.
Car s’il est vrai qu’ils ont subi une culture du travail toxique à bien des égards. Là où ils y gagnent pour beaucoup, c’est qu’il y avait une vraie classe moyenne qui justement avait les moyens…
Les moyens de se payer une voiture, d’acheter une maison, de partir en vacances, d’avoir des loisirs et de faire des gosses… Et je sais de quoi je parle, je l’ai vécu de première main avec l’ascension sociale de mes propres parents. Alors je ne suis pas assez versée sur le sujet pour dire que ce sont des transfuges de classes. Mais j’ai comme dans l’idée que quand en une génération, tu passes respectivement d’agriculteur à chef d’entreprise dans les assurances ainsi que de manutentionnaire à fonctionnaire, le terme n’est pas ici galvaudé.
Sans rire, je pourrais presque dire que mes parents jusqu’au milieu des années 2000 avaient un train de vie d’influenceur lifestyle, le bullshit des réseaux sociaux en moins.
Et je pense que le plus dur pour eux aujourd’hui, c’est de réaliser que leurs filles, malgré tous les efforts consentis arriveront difficilement à établir une sécurité financière et un confort matériel similaires au leur.
Pourtant ça ne les a pas empêchés de nous marteler comme quoi, si on travaillait bien à l’école, si on s’appliquait dans nos cursus, si on suivait bien l’itinéraire prédéfini et si, et si, et si… Ben avec des « si », le problème c’est qu’on mettrait la tour Eiffel et Paris en bouteille.
Raison pour laquelle, je me retrouve à 34 ans à devoir souffler très fort quand j’entends les commentaires que j’ai cités en début d’article.
Je suis une « job-hopper », du moins c’est que laisse entendre mon CV car j’ai fréquemment changé d’emploi bien que je sois restée focalisée sur quatre secteurs d’activité et une spécialisation, le service client. Beaucoup pense qu’à la moindre contrariété, je me barre. Ce qui est loin d’être vrai et très vite éclairci en entretien d’embauche quand j’explique que j’ai fait un certain nombre de missions à durée déterminée ou qu’un job ne me permettait pas d’atteindre une stabilité financière pérenne.
À titre personnel, je sais me satisfaire de ce que je considère être des privilèges et non des acquis. J’entends par là que j’apprécie d’avoir un toit sur la tête, du pain sur la table, la santé et que les factures sont plus souvent payées dans les délais plutôt que l’inverse. J’ai aussi des plaisirs simples, comme prendre une douche bien chaude et occasionnellement, je fais une partie de ma lessive à la main.
Avoir connu des périodes fastes et moins fastes, m’a permis d’avoir une autre vision et appréciation du confort ainsi que de l’argent. Ce pourquoi, je n’ai pas l’impression de passer à côté de « la vida loca ». J’ai dans mon entourage des personnes pour qui le lounge de l’aéroport est une deuxième maison et franchement, je suis ravie pour eux.
Pour ma part, mon objectif c’est d’arriver à un point dans ma vie ou même si je dois continuer de faire des choix, je n’ai pas à dégainer mon appli bancaire avant d’acheter une carte SD 256 GB à CHF 34.95 (oui, oui c’est du vécu).
Quant à mon rêve, c’est simplement de vivre le plus sereinement possible. Ni plus ni moins. Ce qui passe aussi par à terme m’intégrer dans un job dans lequel je puisse m’investir sans qu’en contrepartie, j’aie à subir un environnement de travail où mon premier réflexe en rentrant à la casa c’est d’évacuer ma frustration de manière plus au moins scène. Genre pour certains, de critiquer un peu près tout et n’importe quoi ou accabler son entourage de reproche pour des foutaises. A ceux-là, pitié, trouver un sas de décompression, tout le monde en profitera.
Le pire dans tout ça, c’est que grâce à la révolution digitale, les milléniaux (1981-1996) et la génération X (1997-2012) produisent 3 fois plus en une heure de temps que les baby-boomers. Alors que paradoxalement, notre argent, en comparaison en fait nettement moins. Et pour ceux qui souhaiteraient être orientés vers des points de comparaison pertinents, je mentionnerai :
Ainsi que l’instabilité économique généralisée qui impacte sévèrement notre pouvoir d’achat de même que notre qualité de vie comme notre santé.
Pour ceux qui lisent l’anglais et qui veulent s’intéresser aux écarts générationnels, je vous recommande les articles suivants qui détaillent la problématique chez les américains :
- Millennial life: How young adulthood today compares with prior generations
- A statistical look at Millennials in the workplace
- Baby-boomers vs. Millennials: the difference in their work ethic
En conséquence de quoi, j’estime que l’on devrait normaliser le fait de changer ponctuellement comme régulièrement d’emploi. Que ce soit pour gagner en avancement dans sa carrière, obtenir des meilleures conditions d’emploi ou simplement changer d’air parce que la culture, l’éthique ou l’environnement de travail ne nous convient pas.
Alors oui l’herbe n’est pas forcément plus verte ailleurs mais avant que sonne le glas de la cinquantaine, à partir duquel on devra convoler en justes noces, de gré ou de force, avec un employeur qui espérons-le ne nous lâchera pas avant la retraite. J’estime nécessaire et légitime de saisir toutes les opportunités qui nous permettent d’améliorer notre situation financière comme notre quotidien de travailleur.
Dois-je vous rappeler que pour la majorité, nous passons aisément plus de 40 heures par semaine au job ? On passe littéralement plus de temps à bosser avec nos collègues et nos supérieurs qu’en compagnie de nos amis, conjoints et familles.
Est-ce un crime que de voir le travail comme un moyen d’atteindre nos objectifs et non comme une fin en soi ? De détacher qui l’on est, de ce que l’on fait ? D’accorder sa loyauté moyennant finance au plus offrant ? De faire un mouvement latéral chez la concurrence quand on ne peut raisonnable plus rien attendre d’un employeur ? De fixer des limites claires entre notre vie professionnelle et notre vie privée ?
Je veux dire, est-ce que vous avez seulement lu certaines annonces ? Ils veulent des novices pour les payer au lance-pierres mais attendant d’eux qu’ils aient facilement 3 à 5 ans d’expérience au minimum pour ne pas devoir les former ?! Les salaires ne sont pas annexés au coût de la vie et respectivement de l’inflation. Pire, les semaines de 40 heures, notamment en administration, sont passé à 41 heures 30, 42 heures même 45 heures. Là encore, sans que les salaires ne s’alignent ! En somme, les employeurs, veulent le beurre, l’argent du beurre, le c** de la crémière avec et ce dans le plus grand des calmes. Et après c’est nous qui sommes trop exigeants ?!
Quelle vaste blague…
Merci mais non merci, ma génération en a fini de se faire pigeonner. On ne changera pas le jeu, on en changera certainement pas les joueurs mais on va s’efforcer tant que possible de changer les règles. Et si vous ne voulez pas jouer, pas de problème.
On changera de partie*.
A bon entendeur.
* Pour ceux que le dernier point intéresse, vous trouverez un freeby dans la librairie au format qui est une liste qui vise à déterminer si un travail est aligné avec vos attentes. Il s’agit d’un Open Document, afin que vous puissiez l’adapter à vos critères.